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Investir en dette décotée au temps de la COVID

Juillet 2020
Communication marketing

Prêts pour des jours éprouvants

Les liquidités apportées par les banques centrales sont venues colmater les fissures qui apparaissent dans le monde des entreprises. Malgré tout, alors que les fondamentaux économiques sont exploités au maximum de leurs possibilités, des opportunités vont émerger pour les investisseurs en dette décotée.

01

La grande fracture

La lutte est ouverte entre les liquidités apportées par les banques centrales et la réalité économique. Elle est révélée par l’important fossé qui sépare les fondamentaux des entreprises et les cours auxquels s’échangent les obligations et les actions de ces sociétés.

Cette différence va continuer d’offrir aux investisseurs en dette décotée et en situations spéciales un filon d’opportunités, qu’ils exploitent depuis au moins la crise financière mondiale, voilà une décennie. En effet, c’est lorsque les cieux s’assombrissent sur l’économie que les titres décotés montrent toute leur valeur. 

Il faut également tenir compte de l’avantage supplémentaire de ces stratégies: elles ne sont pas corrélées aux autres grandes classes d’actifs, une caractéristique qui n’a jamais autant contribué à la limitation du risque de portefeuille qu’en ces temps d’incertitude.

De nombreuses sociétés étaient déjà sous pression avant l’arrivée du coronavirus. Cette faiblesse est passée au premier plan en mars, lorsque la pandémie a obligé les gouvernements à imposer des mesures draconiennes et très néfastes sur le plan économique pour maîtriser la crise sanitaire.

Les symptômes de détresse des marchés ont rapidement été apaisés par des mesures budgétaires et monétaires d’urgence sans précédent, notamment quelque 25 000 milliards de dollars US de liquidités de la part des banques centrales, qui comprenaient des interventions directes comme les achats de dette d’entreprise aux États-Unis et en Europe.

Malgré tout, même si ces interventions remettent sur pied les économies, elles ne parviendront pas à éradiquer les faiblesses cachées parmi les entreprises. Elles se contentent de déformer le marché et de prolonger la durée qu’il faudra aux sociétés pour retrouver la santé.

02

Des faiblesses au début de la pandémie

Le marché des obligations d’entreprise a commencé l’année dans un état plus fragile qu’en 2008. Les sociétés américaines et européennes dont la note était inférieure à investment grade affichaient des leviers de 4 à 5x, même selon leurs propres données les plus flatteuses1 [Fig. 1]. Aux États-Unis, par exemple, environ 25% des bénéfices publiés en 2019 étaient «ajustés» pour tenir compte de facteurs spéciaux contre seulement 14% en 20132. Il suffisait de se pencher sur cette comptabilité très agressive pour comprendre que le véritable effet de levier était parfois supérieur d’environ un tiers. Parallèlement, quelque 16% des sociétés américaines étaient des zombies, c’est-à-dire que leurs bénéfices ne suffisaient pas pour couvrir le coût des intérêts3.

En outre, environ 80% de la dette émise par les sociétés européennes l’année dernière était dite «Cov-lite»: elle n’intégrait qu’un minimum de protection pour les détenteurs d’obligations. En 2011, l’intégralité des dettes d’entreprise de la région était assortie de conditions traditionnelles4.

Fig. 1 -  Actionner tous les leviers
Effet de levier de la dette à haut rendement américaine - dette en proportion des bénéfices avant intérêts, impôts, dépréciations et amortissements
Effet de levier du haut rendement américain
Source: recherche de Deutsche Bank, Bloomberg. Données au 02.07.2020

Dès lors, lorsque les premières retombées de la pandémie se sont fait sentir, les sociétés au bilan déjà précaire ont été durement touchées. En mars, on a observé une montée de la proportion des dettes d’entreprise classées comme décotées, dont les spreads sont supérieurs de 1 000 points de base aux actifs sans risque et les cours sont inférieurs à 80 cents le dollar. Aux États-Unis comme en Europe, les taux de décote ont frôlé les 40%, leur plus haut niveau depuis la crise financière mondiale5.

Néanmoins, lorsque les banques centrales ont ouvert les robinets, les investisseurs n’ont pas tardé à réagir. Alors que les flux des marchés du haut rendement américains et européens étaient nettement sortants en mars et en avril, les capitaux entrants enregistrés depuis sont encore plus élevés.

Par exemple, 25 milliards de dollars US nets d’argent frais sont venus inonder le marché du crédit américain entre le début de l’année et aujourd’hui. Cela a donc entraîné une augmentation spectaculaire des émissions de nouvelles obligations. Aux États-Unis, le deuxième trimestre a vu un nouveau record d’émission de dette à haut rendement, qui s’élève à ce jour à 218 milliards de dollars US, en hausse de 60% par rapport à la même période de l’année dernière et déjà supérieure au total de 2018. Les rendements ont donc dégringolé et la proportion de dettes d’entreprise à haut rendement décotées a nettement chuté des deux côtés de l’Atlantique, pour se porter à seulement 15% en Europe, début juin.

Fig. 2 - Grand écart
Pourcentage d’obligations à haut rendement américaines et européennes dont le spread dépasse 1 000 points de base
Pourcentage d’obligations à haut rendement aux États-Unis et en Europe
Source: Recherche de Deutsche Bank. Au 01.06.2020
03

Signaux d’alarme

Nous pensons que ce net rebond est principalement de nature technique et que, malgré les montants importants issus du soutien des banques centrales, de nombreuses parties du secteur des entreprises restent fragiles. Nous tablons déjà sur une nouvelle augmentation des niveaux d’endettement, qui sont déjà élevés. À moins d’assister à une reprise économique spectaculaire, les sociétés auront des difficultés à rembourser ces dettes, même dans un contexte marqué par des taux d’intérêt extrêmement faibles.


Fig. 3 - Le niveau des dettes CCC
Nombre d’obligations notées CCC ou moins aux États-Unis et en Europe en janvier et juin 2020
Nombre d’obligations notées CCC
Source: Indices ICE BaML, Bloomberg. Données au 08.07.2020

Jusqu’à présent cette année, environ 150 milliards de dollars US et 55 milliards d’euros de crédits notés investment grade ont été rétrogradés dans le haut rendement6. En outre, au sein du marché du haut rendement, la part d’obligations américaines notées CCC a grimpé de 10% en mars à environ 13% aujourd’hui7. On a coutume de dire qu’un tiers des sociétés notées CCC font défaut dans un délai de trois ans.

La pression des notations se poursuivra.  Nous devons nous attendre à voir s’étoffer les rangs des anges déchus et à de nouvelles augmentations de la proportion de crédits notés CCC, étant donné que les sociétés affichent un endettement en hausse et voient leur trésorerie s’éroder toujours plus avec des recettes qui ne parviennent plus à suivre les dépenses.

Les difficultés financières des sociétés ne vont pas s’apaiser, même si le soutien monétaire se poursuit. Les investisseurs peuvent s’attendre à des taux de défaut supérieurs au cours des 12 prochains mois. Nous pensons qu’ils atteindront environ 6-7% en Europe et 11-13% aux États-Unis (le niveau est plus élevé aux États-Unis, car les sociétés du secteur de l’énergie, dont les finances ont été particulièrement durement touchées par la crise économique, représentent une part plus importante du marché).

Les secteurs les plus affectés par la COVID devraient également présenter les exemples de récupération les plus intéressants au cours des mois à venir: transport, énergie, loisirs, biens de consommation discrétionnaire, jeu et distribution. Tous traversaient déjà une mauvaise passe avant la pandémie. Les stratégies actives et qui adoptent une approche bottom-up des situations difficiles et spéciales ne se contentent pas de chercher des sociétés vulnérables, elles se tournent également vers celles qui ont traversé une période de turbulences et sont à présent sous-évaluées par les marchés.

Vertus cachées

La clé pour une stratégie consacrée aux situations difficiles et spéciales réside dans sa capacité à réagir rapidement face aux changements de situation et à utiliser un large éventail d’instruments. 

La pandémie de COVID a accablé de nombreuses sociétés dans des secteurs vulnérables et elle a masqué des exemples de retournement aux investisseurs. Prenons la société française d’expédition de conteneurs et de transport maritime CMA CGM. Il y a un an, nous avons ouvert une position vendeuse sur sa dette, en raison d’un critère macroéconomique (le marché mondial du transport maritime était en perte de vitesse) et de facteurs propres à la société. Par exemple, son endettement était excessif, elle avait surpayé une acquisition importante et elle éprouvait des difficultés à répercuter des coûts élevés sur ses clients. La dette de la société a subi une forte correction tandis que ses swaps de défaut de crédit ont grimpé.

Néanmoins, à partir d’octobre, nous avons eu l’impression que la chute avait été trop loin. Nous avons alors non seulement clos nos positions, mais en avons également ouvert une acheteuse. CMA CGM a été durement touchée par la volatilité des marchés en mars, mais elle s’est depuis bien ressaisie, une évolution que les résultats meilleurs que prévu du premier trimestre et l’accord de cession-bail qui renfloue son bilan sont venus renforcer. Nous avons alors senti que la société pourrait mieux résister que d’autres aux nouvelles normes réglementaires.

04

Décorrélation

L’investissement en dette décotée et en situations spéciales – qui comprend la possibilité d’acheter, mais aussi de vendre à découvert la dette d’une société, en fonction de la situation – a l’avantage de ne pas être lié aux performances de l’ensemble des marchés. C’est un facteur qui compte pour les investisseurs. L’inclusion d’actifs dont les performances ne suivent pas la même trajectoire que les autres peut réduire les risques dans un portefeuille. Elle peut abaisser la volatilité des performances et préserver le capital lorsque l’économie ralentit ou se contracte.  

Les stratégies qui se concentrent sur la recherche de sociétés individuelles, qui s’efforcent de bien les connaître et de comprendre lorsqu’elles sont en danger et lorsqu’elles sont sous-évaluées, sont les mieux placées pour obtenir des performances attractives, indépendamment du comportement du reste du marché. L’absence de corrélation avec les principales classes d’actifs peut être une bénédiction pour minimiser le risque en portefeuille.

Historiquement, ce style d’investissement a généré des performances solides. Au cours des 20 dernières années, l’investissement en obligations décotées a affiché des performances annuelles de 6,1%, contre 5,1% pour les obligations mondiales d’entreprise et à haut rendement. Nous estimons qu’une stratégie active bien gérée dans ce domaine a la capacité de générer une performance encore plus solide. 

L’une des raisons qui expliquent cela est la nature asymétrique du crédit. La dette d’entreprise qui se négocie normalement ne présente que peu de potentiel de hausse, une soudaine amélioration de la note de crédit d’un émetteur ou la chute des rendements obligataires peuvent porter un titre, mais, dans l’ensemble, la plupart des performances proviennent des versements réguliers d’intérêts. À l’inverse, si l’émetteur d’une obligation fait défaut, cela peut affecter un portefeuille obligataire lourdement et durablement. C’est pourquoi vendre à découvert la dette de sociétés qui traversent une période compliquée peut rapporter gros.

De même, les plus-values potentielles sur l’achat et la conservation de dette décotée peuvent également être élevées, notamment car une fois que les sociétés font défaut, les marchés ont tendance à sous-évaluer la véritable valeur de leurs titres de créance, en particulier s’ils sont peu négociés, ce qui contribue à un résultat qui nous est favorable. Dans de telles situations, lorsque l’incertitude est à son maximum et que les risques augmentent, les investisseurs ont la possibilité d’afficher des performances hors normes. 

Attractions spéciales

Toutes ces qualités ont un coût: pour investir avec succès dans des situations spéciales, il faut adopter une approche très active, qui s’appuie sur des efforts d’analyse poussés. Les risques peuvent également être élevés, notamment parce qu’une grande partie de ces obligations ne sont pas liquides. Cela dit, en mettant l’accent sur les actifs les plus liquides, on peut minimiser la volatilité et s’assurer de pouvoir sortir d’un investissement. Cela implique aussi des périodes de détention plus courtes, d’environ 12 mois pour une approche de la performance absolue, contre cinq à sept ans pour un fonds de capital-investissement moyen. 

La personnalisation des investissements réclame des compétences supplémentaires. Il est important d’associer des positions vendeuses et acheteuses pour garantir que la stratégie ne se contente pas de simplement profiter des effets de marché. Les positions vendeuses contribuent à définir des idées qui pourront devenir des positions acheteuses à succès.

L’histoire nous a appris que c’est dans des périodes comme celle que nous vivons aujourd’hui que les plus grandes opportunités de performances exceptionnelles apparaissent.

Ce style d’investissement présente un autre avantage, il requiert moins de gestion qu’un fonds de capital-investissement, et utilise moins de levier. D’un autre côté, le profil de liquidité d’un investisseur peut bénéficier de la possibilité qu’il a de négocier des dettes souveraines.

Dans l’ensemble, nous parlons d’un marché où il est important de bénéficier d’une grande expérience, non seulement pour développer les contacts et comprendre le type d’analyse nécessaire, mais aussi pour savoir quelles opportunités se présentent aux différents stades du cycle conjoncturel. Ces compétences sont encore plus importantes lors d’événements qui ne surviennent qu’une fois par génération, comme la crise de la COVID. L’histoire nous a appris que c’est dans des périodes comme celle que nous vivons aujourd’hui que les plus grandes opportunités de performances exceptionnelles apparaissent. Nous pensons que les prochains trimestres ouvriront aux investisseurs en situations difficiles et spéciales des perspectives qu’ils n’avaient plus vu au moins depuis la crise financière mondiale. Le fait que ces performances sont généralement décorrélées des principales classes d’actifs rend l’investissement dans des situations difficiles et spéciales particulièrement intéressant pour les portefeuilles des investisseurs.