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Investissement obligataire éthique

Septembre 2018
Communication marketing

Crédit durable: la clé des critères ESG

Une évaluation correcte des critères environnementaux sociaux et de gouvernance d’une société offre un avantage aux investisseurs en crédit

Il est devenu normal que les investisseurs en actions évaluent une société selon des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). À présent, l’analyse ESG commence à gagner des adeptes sur le marché obligataire1. Nous estimons en fin de compte qu’une bonne compréhension du profil ESG d’une société offre un avantage aux investisseurs qui cherchent à dénicher des perles rares au sein d’un panier vaste et varié de crédits d’entreprise.

Toucher les étoiles

Actifs mondiaux dans l’investissement durable, en milliers de milliards d’USD

Actifs durables sous gestion dans le monde
Source: Global Sustainable Investment Review

Les détenteurs d’obligations sont de plus en plus conscients que les aspects non financiers de la performance d’une entreprise peuvent avoir des répercussions durables sur sa qualité de crédit et sur l’intérêt à y investir. Ainsi, un nombre croissant d’études universitaires montre une corrélation généralement positive entre les résultats ESG d’une société et le coût de son capital2.

Les facteurs ESG entrent en jeu dans différents domaines. Les réglementations gouvernementales intègrent par exemple de plus en plus les dimensions environnementales et sociales. La prise de conscience de l’influence des sociétés sur l’environnement ou la justice sociale influence les choix des consommateurs: il est de plus en plus fréquent qu’ils arrêtent d’acheter des biens et services de sociétés qui ne sont pas éthiques ou qui polluent. Les investisseurs sont eux aussi de plus en plus sensibles au risque de réputation qu’une association avec des sociétés mal dirigées fait peser sur eux.

Parallèlement de nouvelles techniques et mesures voient le jour pour aider à analyser des facteurs non financiers qui étaient jusqu’à présent ignorés faute de pouvoir être mesurés malgré les risques importants qu’ils impliquent.

Doper les performances, pas les sacrifier

Il reste évidemment beaucoup de chemin à parcourir avant que toutes les dimensions des critères ESG ne soient intégrées à l’investissement obligataire. 

En premier lieu, les investisseurs en obligations qui envisagent d’adopter des stratégies d’investissement responsable sont rongés par la crainte de devoir sacrifier les performances sur l’autel de leur vertu.

L’expérience nous a toutefois appris qu’une approche ESG correctement construite évite de tels compromis: si elle aide les investisseurs à éviter les chausse-trappes, elle doit également leur permettre d’obtenir des rendements excédentaires. 

L’importance de la gouvernance

Les répercussions possibles de la gouvernance sur la surperformance d’un émetteur privé ou souverain d’obligations sont en effet depuis longtemps évidentes. Les études de cas de sociétés qui ont souffert en raison d’une mauvaise gestion sont légion. Une gouvernance solide est associée à une probabilité inférieure de baisse de la notation de crédit. Les analyses montrent que les portefeuilles de crédit composés de sociétés bien classées en matière de gouvernance ont largement surperformé les portefeuilles investissant dans des sociétés moins bien placées3. Il n’est dès lors guère surprenant que 79% des gérants d’actifs interrogés considèrent que la gouvernance est le facteur ESG le plus important4

Mieux exploiter les E et S

Si l’importance de la gouvernance est bien connue, les facteurs environnementaux et sociaux sont généralement plus difficiles à évaluer et à analyser sur le plan de leurs effets sur la performance d’une entreprise. Malgré tout, les bénéficiaires finaux pour lesquels les gérants d’actifs investissent, c’est-à-dire les individus, les fonds de pension et les institutions, considèrent ces deux critères comme encore plus importants. Cette différence de perception s’explique en partie par des horizons temporels distincts.

Par rapport aux facteurs environnementaux, les questions de gouvernance sont plus rapidement mises en avant, ce qui peut expliquer l’importance que leur accordent les gérants d’actifs, dont les performances sont souvent mesurées chaque trimestre.

À l’inverse, les détenteurs d’actifs peuvent sans problème envisager de conserver leur patrimoine sur plusieurs générations.

Toute la difficulté réside dans le fait que, puisque les composantes environnementales et sociales des facteurs ESG sont plus difficiles à quantifier et anticiper, les ignorer est beaucoup plus facile sur un plan purement financier. Ce n’est pas sans rappeler l’histoire de l’homme qui cherche ses clés sous un réverbère, car c’est le seul endroit éclairé.

La performance ESG est comme la communication non verbale d’une entreprise, qui en offre une vision plus approfondie, que les bilans ne peuvent offrir à eux seuls.

Toutefois, une approche soigneusement étudiée peut permettre de dévoiler le rôle joué par ces facteurs.

Ainsi, une culture d’entreprise qui laisse entendre que des infractions mineures seront tolérées est souvent indicatrice de problèmes environnementaux majeurs. Par exemple, l’explosion de la plateforme Deepwater Horizon de BP était annoncée par d’autres mauvaises pratiques en matière d’environnement appliquées par le groupe depuis plusieurs années.

Les coûts environnementaux ne sont pas seulement directs en cas de catastrophe. Ils peuvent également affecter les chaînes d’approvisionnement. Certains moteurs trop polluants ne sont ainsi plus fabriqués. Les sociétés qui utilisent d’anciennes versions et qui ne parviennent pas à intégrer ces changements peuvent se trouver confrontées à des coûts de développement et de maintenance élevés.

La réglementation offre aux sociétés un ensemble normatif, mais aussi un calendrier que les investisseurs peuvent suivre avec attention. C’est d’autant plus vrai dans le cas des questions environnementales, pour lesquelles les réglementations se mettent au niveau des prises de conscience croissantes du grand public. Le cas des nouvelles règles en matière de navigation mondiale imposées par l’Organisation maritime internationale (OMI) est ainsi frappant. L’OMI imposera en 2020 une réduction du taux de soufre autorisé de 3,5% à 0,5% dans les carburants des navires. Les différentes réactions des entreprises donnent non seulement une idée de leur approche des critères ESG, mais également de la qualité de leur direction. Certains armateurs ont déjà commencé à se préparer quand d’autres n’ont encore rien fait, ce qui les expose à des coûts importants à l’avenir.

De même, des chercheurs de l’Imperial College ont découvert que le changement climatique faisait grimper les coûts d’emprunt dans les pays en développement5.

Les facteurs sociaux sont un élément encore plus clair de compréhension de la communication non verbale des entreprises. Les risques se font cependant de plus en plus évidents. Le monde de l’entreprise subit une forte pression pour réduire les écarts de rémunération entre hommes et femmes et augmenter les plus bas salaires. Pour les sociétés dont les marges sont faibles et qui emploient un grand nombre de personnes au salaire minimum, ce changement pourrait fortement affecter les bénéfices. Celles qui n’entretiennent pas de bonnes relations avec leur personnel ou qui ne parviennent pas à lutter contre les discriminations seront non seulement confrontées à des problèmes de main d’œuvre, mais elles risquent également de nuire à la valeur et à la réputation de leur marque, d’autant plus que les mauvaises nouvelles trouvent un fort écho sur les médias sociaux, comme Ryanair a pu le découvrir à ses dépens. D’autres s’exposent à la vindicte populaire en raison de la perception du traitement de leurs utilisateurs, à l’image de Facebook.

Sur mesure

Tout comme la révolution industrielle s’est appuyée sur la mise au point d’instruments de mesure de plus en plus précis, l’évolution de l’investissement ESG bénéficie des améliorations constantes dans l’évaluation des trois différents facteurs.

En dépit des incohérences qui persistent dans les informations utiles aux critères ESG que les sociétés communiquent ainsi que dans les méthodes, on observe de plus en plus de transparence, même lorsqu’elle n’est pas imposée par les autorités de réglementation.

Cette hausse de la transparence a donné naissance à un secteur des notations ESG, dominé par deux agences principales: MSCI et Sustainalytics.

Bien qu’ils constituent des outils intéressants, les résultats générés par ces agences de notation doivent faire l’objet d’un regard critique. Leurs méthodologies différentes ne sont pas strictement comparables et, même si les scores ESG totaux des entreprises que ces deux agences publient sont relativement proches, dans le détail, de profonds désaccords peuvent exister6. Par exemple, il n’y a pratiquement aucune corrélation entre les scores de gouvernance des secteurs de la banque et du courtage.

Plus généralement, l’un des principaux risques d’une trop forte dépendance aux notations des agences est lié au fait qu’elles ne font parfois guère plus que paraphraser les points forts des bilans. En d’autres termes, elles n’ajoutent aucune information pertinente aux données financières. Par extension, une faible corrélation entre les notations de crédit et les scores ESG peut être utile pour mieux appréhender les perspectives d’une société7.  

Une approche unique

Même si la notation ESG n’est pas encore une science exacte, les gérants d’actifs se raccrochent bien souvent aux classements publiés par les agences spécialisées dans les critères ESG pour construire des portefeuilles d’obligations d’entreprises.

Nous pensons qu’une approche plus flexible et nuancée permettra d’obtenir de meilleurs résultats, comme l’a montré l’évolution de l’investissement socialement responsable (ISR).

Les investisseurs ISR qui adoptent une approche rigide et exclusive de l’investissement, fondée uniquement sur des considérations morales ou éthiques, découvrent bien souvent qu’elle nuit aux performances. C’est en partie car, qu’on le veuille ou non, certains secteurs sont essentiels au bon fonctionnement du reste de l’économie. On peut ne pas aimer les dommages collatéraux sur l’environnement de l’industrie pétrolière, mais actuellement, la majeure partie de l’humanité se porterait plus mal sans elle. Il faut également noter que certains producteurs de pétrole prennent les critères ESG très au sérieux et n’hésitent pas à répondre aux critiques et à grandement améliorer leur empreinte carbone.

De même, il est logique d’exclure, comme nous le faisons, certains secteurs qui ne sont pas, dans l’ensemble, essentiels à la prospérité économique et qui entraînent dans leur sillage des externalités négatives, comme la défense, le jeu, le divertissement pour adulte, l’alcool et le tabac.

Cibler les ESG

Principaux indicateurs de performance ESG par secteur selon PAM

Indicateurs de performance ESG par secteur
Source: Pictet Asset Management

Notre approche consiste donc à continuer d’investir dans des secteurs critiques, malgré leurs défauts, mais en sélectionnant en leur sain les sociétés qui présentent les meilleurs fondamentaux financiers et en matière d’ESG. La durabilité financière, des bilans solides et la capacité de leur direction à aborder des bouleversements technologiques sont autant de critères importants. Ils doivent toutefois s’accompagner de normes environnementales, sociales et de gouvernance solides.

Les facteurs ESG sont de plus en plus considérés comme un moyen non seulement de gérer les risques baissiers, mais également de sélectionner les meilleurs élèves: les plus résilients et ceux qui afficheront, à terme, la plus forte rentabilité.

Nos analystes du crédit, habitués à rapprocher des états financiers et des critères ESG, occupent une place centrale dans notre processus d’investissement. Ils sont idéalement placés pour réagir rapidement aux actualités et aider à orienter nos équipes d’investissement.

Les gérants d’investissement adoptent eux-mêmes une approche de selection de titres. Ils n’ont pas les mains liées par un indice de référence et ne sont pas excessivement influencés par des tendances macroéconomiques, qui pourraient détourner leur attention des fondamentaux des entreprises, tels que leurs performances ESG, qui offre une meilleure vision que la seule lecture des bilans.

Les nuances, c'est important

Certains indicateurs financiers sont plus ou moins pertinents selon les secteurs et il en va de même pour les critères ESG. Ainsi, alors que les considérations environnementales sont essentielles pour les sociétés pétrolières, elles occupent une place beaucoup moins prépondérante pour les financières, où les risques liés aux facteurs sociaux et de gouvernance sont beaucoup plus importants.

Au bout du compte, l’investissement ESG n’est réellement efficace que s’il aide à allouer des capitaux aux sociétés les plus à même de réussir à long terme. Une gouvernance solide, l’intérêt pour les bonnes pratiques environnementales et sociales et la volonté de les appliquer ne sont peut-être pas faciles à quantifier et semblent donc n’être que des facteurs «secondaires», mais ils sont essentiels pour comprendre le niveau de durabilité du modèle d’entreprise d’une société.

L’investissement ESG n’est pas seulement une question de bienveillance morale, il est de plus en plus souvent un devoir fiduciaire. Les critères ESG offrent une vision des entreprises que leur comptabilité ne permet pas d’appréhender. Toute personne qui souhaite investir en obligations d’entreprises doit placer les facteurs ESG au cœur de ses critères de recherche des meneurs de demain.