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La crise politique de l'ItaliE

Juin 2018
Communication marketing

Hex Romana*

L'Italie a certes un gouvernement mais les problèmes n'ont pas disparu. Et cela constitue une source d’inquiétude pour l’Europe.

L'Italie a certes un nouveau gouvernement et une crise majeure a pour l’heure été évitée. Mais la tourmente agite toujours l’arène politique et les marchés, la menace d'un éclatement de la zone euro déclenché par le pays risquant de perdurer. Et ce risque est susceptible d’être intégré encore longtemps au prix des actifs.

Avec une coalition entre la Ligue du Nord et le Mouvement Cinq Etoiles, l’ambiance s'est momentanément refroidie. Mais maintenant que la politique anti-euro ne fait plus la une, les investisseurs peuvent se concentrer sur les fondamentaux du pays, plus positifs. Après des années de stagnation, l'économie progresse en effet de plus de 1% en termes réels, la balance courante affiche un excédent de plus de 2% du PIB et le solde budgétaire ajusté du cycle économique et des intérêts de la dette montre un profil similaire. Une réforme du marché du travail et dans d'autres pans de l’économie est par ailleurs en cours.

Le profil de la dette italienne n'est pas aussi inquiétant que certains articles ne le suggèrent. La durée moyenne des obligations d’Etat s'est allongée, les investisseurs nationaux en détenant la majorité.

Enfin, l’euro semble plutôt populaire chez les Italiens, avec 70% pour le maintien lors de la dernière enquête.

L’Italie n'est donc pas la Grèce. Mais à long terme, c'est précisément son problème. Le pays serait trop grand pour être «sauvé» si sa dette devenait insoutenable. Et il subsiste un risque résiduel que la troisième plus grande économie de la zone euro finisse par déclencher un éclatement de la monnaie européenne - que ce soit volontairement ou par accident.

Cela s’explique en partie par le fait que l'économie italienne n'est toujours pas compétitive par rapport à celle des autres grandes puissances de la monnaie unique. L’Italie affiche également l'un des taux les plus bas de la population en âge de travailler par rapport à la population totale de tous les grands pays développés, soit moins de 65%, contre 66,4% en moyenne pour l'ensemble des pays de l'OCDE. Et avec un faible taux de natalité et une population vieillissante (21% des Italiens ont plus de 65 ans), cette proportion ne fera qu’empirer. L’Italie affiche l'un des taux de productivité du travail les plus bas du monde. Seule la Grèce a un PIB horaire inférieur, dans les pays de l’OCDE. Selon nos modèles, si le pays adoptait une nouvelle monnaie flottante, elle devrait immédiatement être dévaluée jusqu'à 30% pour regagner la compétitivité perdue.

Rendement des obligations d'État à 10 ans italiennes et allemandes, en %

Chart
Source: Datastream. Données au 29.05.2018.

Aussi, la montée du populisme a été en grande partie une réaction à un afflux de migrants et de demandeurs d'asile en provenance d'Afrique et du Levant.

Ces facteurs sont susceptibles de mettre le nouveau gouvernement italien sur la voie d’un conflit avec la Commission européenne. Avec des perspectives de croissance intérieure relativement faibles, il veut en effet dynamiser l'économie avec un grand programme de dépenses budgétaires de EUR 120 mia, soit environ 7% du PIB. 

Cela nécessiterait l'approbation de la Commission - ce qui paraît peu probable étant donné son ratio dette/PIB, le plus élevé d'Europe, avec plus de 130%. Il semble donc peu vraisemblable que Bruxelles - et surtout l'Allemagne - tolère des déficits incompatibles avec la stabilité du ratio dette de l'Italie/PIB. Toute baisse de l'excédent primaire du pays en dessous d'environ 0,6% par rapport aux 1,9% actuels est contraire au pacte budgétaire de l’Union européenne (UE). Dans le même temps, la nouvelle coalition italienne voudra que les autres membres de l’UE prennent une plus grande part du fardeau de l’arrivée des migrants. Cela aussi risque d'être lourd, notamment parce que des pays comme l’Allemagne font également le jeu du populisme en réponse à leurs propres problèmes d'immigration.

Le résultat est qu’il est peu probable que le marché revienne à son niveau antérieur. Pas plus tard qu’en avril, les investisseurs obligataires attribuaient un risque pratiquement nul à la dissolution de la zone euro. Au 29 mai, l’écart de rendement entre les obligations d’Etat italiennes (BTP) et leurs homologues allemands s’est creusé, indiquant une augmentation de la probabilité que l’Italie quitte la zone euro. Nous sommes certainement encore loin des probabilités indiquées lors de la crise de 2011-2012, d’autant que l’écart s’est rétréci avec le rebond du marché, mais le risque ne disparaîtra pas complètement.

Les banques italiennes détenant de grandes quantités d’obligations gouvernementales, l’écart de taux actuel pourrait sous-estimer le potentiel de fragmentation de la zone euro. Selon la Banque des règlements internationaux, les BTP représentent 20% des actifs des banques du pays. C’est l'un des niveaux les plus élevés au monde.
Nos estimations suggèrent en outre que chaque élargissement de 100 points de base (pb) de l'écart de rendement BTP/Bund obère le capital des banques italiennes de 30 pb. Un élargissement de 300 pb pourrait commencer à causer un grave malaise dans le secteur, notamment parce que les pertes liées aux obligations souveraines pourraient déclencher des sorties de fonds et rendre difficile pour les banques de vendre des prêts non performants. 

Quoi qu’il arrive, une Pax Romana durable semble peu probable.