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Interview Andrew Wilmont

Janvier 2021
Communication marketing

Une diversification intelligente dans un portefeuille d’obligations High Yield est plus importante que jamais

L'ajout de différentes stratégies faiblement corrélées au sein d'un portefeuille d’obligations à haut rendement peut être très utile en période de forte hausse des cours, affirme Andrew Wilmont, responsable du High Yield chez Pictet Asset Management. De bons exemples de ces stratégies sont la dette « distressed », le momentum et un accent plus fort sur les valorisations, les notations et les critères ESG.

Les prix des obligations à haut rendement ne sont-ils pas à nouveau très élevés malgré la crise du coronavirus ?

Oui, en effet, c'est pourquoi il est temps que les gérants de fonds High Yield comme moi regardent au-delà de ce qu'ils sont habitués à regarder. L'analyse fondamentale, ou la détermination de la solvabilité des entreprises, est pratiquée avec succès depuis des décennies. Mais la construction de portefeuilles a reçu beaucoup moins d'attention. Grâce à des ensembles de données et des outils de plus en plus sophistiqués, il est désormais beaucoup plus facile de constituer des portefeuilles de manière intelligente et de considérer des possibilités de rendement asymétrique. 

A cet égard, la crise du coronavirus constitue un bon banc d’essai. Depuis fin février, les marchés ont été largement dictés par le sentiment. Plusieurs biais comportementaux en sont responsables. En prêtant attention à certaines variables, il est maintenant possible de créer des biais positifs au sein d’un portefeuille. Autrement dit : il est possible d’obtenir un meilleur rendement pour un même niveau de risque ou bien un même rendement avec un niveau de risque moindre. Nous pouvons montrer aux clients ce qui arrive à leur portefeuille à haut rendement dans différents contextes. Selon le choix de stratégies spécifiques, de nombreuses possibilités en découlent. A terme, nous parvenons à assembler des portefeuilles qui concilient les niveaux de rendement et de risque voulus par les clients. 

Il est donc question d'une construction intelligente et systématique du portefeuille ?

Oui, c'est comme ça que nous l'appelons. Nous le faisons en trois étapes. La première question est de savoir s'il faut ou non ajouter des stratégies d'investissement faiblement corrélées (+/-25%) ou moins corrélées (+/- 75%). Donc, ce que nous voulons vraiment dire, c'est que la diversification est le seul bon plan qui existe. Dans la première étape, vous pouvez penser à des stratégies actives telles que les dettes de sociétés en difficulté et l'investissement « momentum », ou encore le positionnement à contre-courant basé sur des valorisations à long terme. Alors que cette dernière stratégie mettait en garde contre un marché surévalué fin 2019, la stratégie momentum a indiqué une forte baisse du marché fin février 2020 qui a ensuite conduit à une réduction du risque des portefeuilles à haut rendement.

Comme ces stratégies diffèrent légèrement en termes de technique, de timing et de duration, à la fois les unes par rapport aux autres et globalement par rapport à la classe d'actifs High Yield, elles peuvent réduire considérablement le risque de nos portefeuilles. Il est toutefois important de réduire au minimum le nombre de transactions et, si possible, de les réaliser à l'aide de produits dérivés afin de limiter les coûts de ces facteurs d’overlay

La deuxième étape consiste ensuite à créer une diversification au sein du portefeuille de crédit en se concentrant, par exemple, sur les secteurs, les régions et les instruments. Ces groupes ont également une corrélation réduite les uns avec les autres, mais sont néanmoins généralement corrélés à environ 75 %. Une deuxième différence par rapport à la première étape est que les transactions sont souvent effectuées en obligations cash et que les coûts de transaction jouent donc un rôle beaucoup plus important. Il vous faut donc des règles de trading claires afin de déterminer s'il est judicieux de faire des transactions.

Mais en période de stress, toutes les corrélations ne convergent-elles pas vers un ?

Nous le constatons effectivement dans la pratique au sein des portefeuilles crédit. Nous attendons de la diversification, en particulier sur le plus long terme, qu’elle apporte de la valeur dans des conditions de marché "normales", et non pas en période de stress. Ce que nous constatons avec les stratégies faiblement corrélées, c'est qu'elles ont une valeur ajoutée précisément dans des situations de stress par rapport à une stratégie High Yield pure. De bons exemples de cela sont les stratégies top-down qui prennent activement des positions "long" ou "short" en fonction des conditions de marché ou notre stratégie d'investissement sur les obligations en détresse, gérée par l'équipe de Galia Velimukhametova, qui peut aussi passer "short" et ainsi gagner de l'argent dans des marchés en baisse. L'idée derrière l'ajout de ces stratégies, qui sont généralement plus performantes dans des marchés en perte de vitesse et souvent à la traîne dans des marchés en progression, est de compléter le profil type d'un portefeuille traditionnel d’obligations à haut rendement. Cela reste intéressant étant donné que les marchés baissiers ne durent souvent pas plus d'un an, alors que les marchés haussiers peuvent se poursuivre pendant de nombreuses années. En dehors de cela, les stratégies ou facteurs utilisés dépendent des besoins des clients en matière de risque et de rendement.
Performance pied de coupon du High Yield US
Source : Pictet Asset Management

Quid de la troisième étape dans cette construction systématique de portefeuille ?

La troisième étape concerne la sélection des obligations à haut rendement. Là aussi, les investisseurs peuvent faire pencher la balance en leur faveur. Pensez par exemple aux indices à haut rendement. Il s'agit en fait d'indices pondérés par la taille de la dette, dans lesquels la pondération des entreprises informe principalement sur le montant de leur dette, mais rien sur l'attrait de ces dettes. En fonction de la limite de « tracking error » fixée par nos mandants, nous pourrions décider de faire moins dépendre le point de départ du portefeuille de l'indice et beaucoup plus du risque et du rendement attendu de l’ensemble des opportunités d'investissement.

La sélection active est-elle devenue moins importante ?

Non, bien sûr que non. La sélection active est et reste de la plus haute importance. Si nous examinons les rendements à long terme des obligations, tant Investment Grade que High Yield, ils sont intégralement déterminés par les revenus ; les variations de prix sont en majeure partie négatives. Pour les investisseurs passifs, la part du revenu dans le rendement à long terme des obligations américaines à haut rendement, par exemple, est de 8 %, mais le rendement total est de 6,5 % par an. La différence est due à l'effet négatif des faillites. Si celles-ci peuvent être évitées, les 8 % seront atteints plus tôt. Grâce à l'amélioration constante des données et des analyses, nous avons désormais une idée plus précise du pourcentage de nos portefeuilles qui est à l'origine des fortes fluctuations, tant à la hausse qu'à la baisse. En nous concentrant sur ces entreprises, qui représentent environ 12 % du marché des titres à haut rendement, nous pouvons effectuer moins de transactions sur le reste du portefeuille, ce qui permet une réduction appréciable des coûts de transaction.

Que peut-on encore dire à propos des notations financières ?

Il existe une asymétrie frappante entre le risque et le rendement des ratings des principales agences de notation. En général, un résultat positif est obtenu dans le High Yield. En revanche, si vous regardez par exemple les entreprises vraiment peu valorisées, en dépit d’un rendement attendu élevé, leur rendement réel est négatif en moyenne, et cela avec une volatilité nettement plus importante.
Rendement des coupons sur High Yield US
Source : Pictet Asset Management
Il est donc évident qu'un rendement plus élevé pour un risque plus élevé ne fonctionne pas ici. Au lieu d'essayer de trouver la pépite dans ce segment, nous suggérons à nos clients de "laisser tomber" ce segment et de le remplacer, par exemple, par notre stratégie "Distressed Opportunities", qui peut être "long" ou "short" et ainsi obtenir un rendement positif moyen dans ce segment. Avec les obligations notées BB et BB+, nous observons le contraire. Dans ce cas, les investisseurs obtiennent en fait un rendement nettement plus élevé par rapport au risque qu'ils prennent. Ma théorie est que ces obligations sont attrayantes, car en période de prospérité elles sont souvent relevées en catégorie "investment grade", avec l'augmentation de prix qui en découle, alors qu'en période de baisse elles sont plus défensives et présentent donc moins de volatilité.

Pouvez-vous dire quelque chose sur les stratégies de valeur relative ?

On dit que les marchés financiers sont efficients. Nous pensons que c’est le cas à long terme, mais pas à court terme. Il existe très certainement des différences de valorisation relative entre des obligations ayant des notations différentes ; des ratios d'offre et de demande différents peuvent également apparaître pour des instruments comparables, par exemple du fait que certaines régions ou certains secteurs deviennent plus ou moins populaires. Tant à court terme qu'à long terme, cela crée des possibilités d'arbitrage, par exemple entre l'euro et le dollar, entre les obligations liquides et les dérivés de crédit, ou avec les nouvelles émissions, l'équivalent obligataire des IPO. Tout comme les actions, les nouvelles obligations ont tendance à arriver sur le marché avec une décote. Les investisseurs doivent avoir une raison de les acheter. Une stratégie basée sur les nouvelles émissions est aussi, bien entendu, décorrélée avec le rendement "normal" sur les crédits.

L'ESG doit-elle faire partie de l'analyse ?

On parle actuellement de l'ESG comme s'il s'agissait d'une partie distincte de l'analyse du marché. Mais en fait, les principaux facteurs de risque ESG ont toujours fait partie de l'analyse des obligations d'entreprise, même si c'était peut-être de manière moins structurée. Comme je l'ai dit, avec les obligations à haut rendement, il s'agit d'éviter les risques majeurs qui peuvent conduire à des défaillances et, ce faisant, de garantir les coupons. Les analystes crédit ne se concentrent donc pas seulement sur les résultats des entreprises qui décrivent le cours normal des affaires, mais examinent également la qualité de ces résultats, car il s'agit d'un excellent indicateur des valeurs négatives extrêmes. Il peut s'agir par exemple d'une augmentation des risques environnementaux, politiques, technologiques ou juridiques. Les avantages de l'utilisation de différents fournisseurs ESG indépendants sont que, d'une part, nous pouvons optimiser la sélection nous-mêmes, en utilisant les forces respectives des différents fournisseurs, et d'autre part, nous pouvons facilement répondre aux préférences des clients pour l'utilisation d'un fournisseur ou d'un autre.

Qu'est ce que tout cela signifie maintenant pour les investisseurs ayant des contraintes particulières sur leurs portefeuilles en matière de notation ou de duration ?

En ce qui concerne plus particulièrement les mandats d'assurance, dans lesquels un portefeuille américain moyen à haut rendement a une note B+ et une duration de 3,8 ans, soit un coût en capital d'environ 30 %, on peut par exemple, en utilisant les pondérations asymétriques que j'ai mentionnées précédemment, opter pour un portefeuille surpondéré BB, ce qui donne un coût en capital de 18 %. C'est une réduction intéressante, alors que le rendement attendu sur un cycle reste pratiquement le même. On peut également opter pour un risque moindre et une réduction de la duration à deux ans, comme avec notre fonds court terme, ce qui augmente sensiblement le ratio Sharpe du portefeuille d'environ deux tiers du rendement du marché, contre un tiers de la volatilité et une charge en capital de seulement 9 %. Les mêmes considérations s'appliquent également aux portefeuilles « investment grade ».

Grâce à des volumes de données et des outils toujours plus importants, il est devenu beaucoup plus facile de constituer des portefeuilles de manière plus intelligente et de prêter attention aux possibilités de rendement asymétrique ; la diversification est le seul « free lunch » qui existe ; il est important de réduire au minimum le nombre de transactions et, si possible, de les effectuer à l'aide de produits dérivés afin de limiter les coûts des facteurs d’overlay ; il existe des différences de valorisation relatives entre des obligations ayant des notations différentes ; les stratégies à faible corrélation ont ajouté de la valeur dans les situations de stress.