Allocation d’actifs: trop loin, trop vite
Alors qu’une économie mondiale affaiblie risque de subir de nouveaux assauts des conflits commerciaux lancés par le président américain Donald Trump, la Réserve fédérale américaine a une fois encore occupé le devant de la scène sur les marchés mondiaux. L’un après l’autre, les décideurs de la Fed ont indiqué que la banque centrale était prête à se couvrir contre un risque de retournement significatif en abaissant de façon préventive ses taux, ce qui a fait grimper les actions et obligations mondiales de quelque 6% et 1%, respectivement, au cours du mois.
Le marché intègre à présent des baisses de taux de pas moins d’un point de pourcentage au cours des 12 prochains mois et table sur un premier abaissement dès le mois de juillet. Non seulement l’indice S&P 500 a retrouvé des niveaux historiquement élevés, mais plus de 12 000 milliards de dollars US de dette mondiale s’échangent à présent à des rendements négatifs.
Selon nous, malgré tout, cette euphorie liée aux baisses de taux d’intérêt américains est exagérée. La première réduction pourrait tout aussi bien être repoussée jusqu’à septembre.
Ainsi, nous abaissons les obligations et les sous-pondérons à présent comme les actions. Nous avons également élevé notre pondération des liquidités.
Le ton accommodant de la Fed doit être replacé dans le contexte d’une situation économique américaine qui reste relativement positive.
Nos indicateurs avancés montrent certes un affaiblissement depuis la fin de l’année dernière, mais, ces derniers temps, l’activité s’est ressaisie dans le bâtiment, le chômage reste faible et les ventes d’automobiles semblent être sur la voie de la reprise.
Alors que nos indicateurs du cycle conjoncturel continuent de pointer vers un ralentissement de l’économie mondiale, ils n’annoncent aucun atterrissage brutal. Les tensions commerciales sino-américaines affectent les économies des deux pays, mais une dose d’intervention politique, même si elle reste inférieure à ce que les marchés attendent, devrait permettre d’atténuer toute faiblesse.
Pour des raisons techniques liées à l’assouplissement quantitatif, l’inversion de la courbe des taux américaine pourrait bien surestimer les risques de voir l’économie sombrer dans la récession au cours des 12 à 24 prochains mois.
Parallèlement, d’autres économies profitent du conflit entre la Chine et les États-Unis. Le Viet Nam, Taïwan et la Corée du Sud ont récupéré une bonne partie de l’activité que la Chine a perdue et les entreprises chinoises sont passées des États-Unis à l’Amérique latine pour leurs importations agricoles.
De même, les perspectives s’améliorent pour la zone euro, et ce, avant même que le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, ne renouvelle son engagement à soutenir l’économie en cas de besoin.
Notre analyse de la liquidité incite à l’optimisme. Si la Fed satisfait les attentes du marché en matière d’assouplissement de sa politique, les autres banques centrales pourraient faire de même, car elles cherchent à éviter que leurs monnaies s’apprécient afin d’éviter de nuire à leur compétitivité. Ce coup de pouce du secteur public pourrait renforcer l’offre croissante de liquidité au secteur privé, puisque le crédit gagne du terrain dans l’ensemble des principales régions.
Les valorisations sont au rouge pour les obligations. Les obligations de la zone euro et de Suisse n’ont jamais été aussi chères. En effet, à l’exception des crédits américains de qualité investment grade et de la dette des marchés émergents libellée en devise locale, dont les valorisations sont tout juste neutres, tous les autres actifs de l’univers obligataire sont surévalués.
Par ailleurs, en dépit de leur évolution convaincante au cours du mois, les cours des actions mondiales semblent justifiés. Néanmoins, étant donné que les perspectives de bénéfices semblent beaucoup plus faibles que les prévisions des analystes (nous ne tablons sur aucune croissance des bénéfices au cours des 12 prochains mois par rapport aux attentes du consensus, qui s’élèvent à environ 7%), les actions restent vulnérables.
Les facteurs techniques offrent un certain soutien aux obligations, qui bénéficient de fortes tendances saisonnières. En dépit de leur solide rebond, elles ne semblent toujours pas surachetées, selon les indicateurs de positionnement des investisseurs que nous suivons. Pour les actions, la tendance est neutre et la saisonnalité négative, mais elles restent un investissement étrangement délaissé. Ce positionnement relativement léger sur les actions de la part des investisseurs laisse entendre que toute vague de vente de ces titres sera probablement limitée. Parallèlement, l’or, l’actif le plus performant au cours du mois, devrait continuer de profiter du soutien d’une saisonnalité favorable, alors qu’il n’est pas non plus encore suracheté.