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Introduction aux obligations indexées sur l’inflation

Juin 2021
Communication marketing

Démystifier les obligations indexées sur l’inflation

Alors que les prix à la consommation augmentent, les investisseurs recherchent de plus en plus des produits qui les protègent de l’inflation, à l’image des obligations indexées sur l’inflation. Cela étant, ils doivent également être conscients de certains points complexes.

Le choc que les données des prix à la consommation aux États-Unis ont provoqué en avril a clairement annoncé le retour des pressions sur les prix. Le débat reste ouvert sur la nature de cette accélération de l’inflation: est-elle inhérente à une économie en forte croissance ou s’agit-il d’un phénomène temporaire? Néanmoins, il n’est guère étonnant que les investisseurs regardent d’un œil plus attentif les obligations indexées sur l’inflation (ou indexées).

En effet, ce que les investisseurs obligataires craignent par-dessus tout, c’est une inflation particulièrement forte et inattendue. L’inflation en elle-même est quelque chose de normal qui est inhérent aux prix du marché. Cela dit, les changements dans les attentes d’inflation peuvent avoir des conséquences désastreuses sur les portefeuilles obligataires. Une forte hausse des attentes des investisseurs vis-à-vis des prix à la consommation les poussera à rechercher des rendements plus élevés, ce qui fera baisser la valeur des obligations.

Réduits à leur plus stricte expression, les rendements eux-mêmes servent à compenser au-delà de l’inflation les investisseurs pour le fait de prêter leur argent. Normalement, cette compensation est assez modeste pour la détention d’obligations d’État sûres. Ces dernières années, elle était même aussi mince qu’une lame de rasoir. Les anticipations d’inflation n’ont donc pas eu besoin de grimper énormément pour effacer l’équivalent de plusieurs années de performances. D’où la nervosité quand, après des années de tendances déflationnistes, les prix semblent amorcer une reprise de leur hausse.

Des obligations indexées sont là pour aider les investisseurs à minimiser ce risque. Bien qu’elles existent sous une forme ou une autre depuis des siècles, elles ont gagné en popularité sous leur forme moderne lors de la décennie inflationniste des années 1970. Le Gouvernement britannique avait alors montré la voie en créant les gilts indexés.

Suivre l’inflation

Toutes les obligations sont émises avec un principal ou valeur nominale – la valeur à laquelle elles seront remboursées lorsqu’elles arriveront à échéance. Dans le cas des obligations indexées, le prix de remboursement final sera déterminé en ajoutant à la valeur du principal l’inflation cumulée entre l’émission et l’échéance. Celle-ci est généralement calculée à partir d’un indice officiel des prix à la consommation. Par exemple, si la valeur nominale d’une obligation indexée arrivant à échéance dans dix ans est de 100 et que l’indice des prix à la consommation a augmenté de 30% sur cette durée, les investisseurs peuvent s’attendre à recevoir 130 de la part de l’emprunteur lorsque l’obligation arrive à échéance. Et dans l’intervalle, chaque année, la valeur du principal de cette obligation sera ajustée en fonction de l’évolution de l’inflation au cours des 12 mois précédents.

Après des années de tendances déflationnistes, les prix semblent amorcer une reprise de leur hausse.

Cette valeur du principal servira à son tour à déterminer la taille du coupon annuel que l’investisseur reçoit. Prenons l’exemple d’une obligation indexée du Trésor américain dont l’échéance est de 10 ans et qui offre un taux d’intérêt de 2%. Si la première année enregistre une inflation de 5%, l’investisseur reçoit un coupon de 2% de 105 USD, soit 2,1 USD. Et si l’inflation grimpe à 3% l’année suivante, la valeur du principal dépassera légèrement les 108 USD, et le coupon s’élèvera à 2% de ce montant. À la fin de la 10e année, les investisseurs reçoivent 2% de la nouvelle valeur, 130 USD, soit 2,6 USD. Un investisseur qui aurait opté pour une obligation conventionnelle équivalente avec le même taux d’intérêt reçoit 2 USD la première année et 2 USD la dernière année.

Les marchés compliquent quelque peu cette représentation simple. Le taux d’intérêt réel qu’un investisseur en obligations reçoit dépend du cours de l’obligation lorsque l’investisseur l’achète, qui n’est que rarement et fortuitement égal à la valeur nominale de 100 USD. Dans le cas des obligations conventionnelles, la valeur du coupon dépend de la valeur nominale, tandis que, pour les obligations indexées, elle est une fonction de la valeur nominale à laquelle s’ajoute l’inflation accumulée. Nous obtenons ainsi un rendement notionnel. Cependant, le rendement réel variera en fonction du cours de marché de l’obligation: lorsque le cours de l’obligation augmente, le rendement (ou le taux d’intérêt) baisse et vice versa.

Décomposer les points morts

Comme les investisseurs ont tendance à pouvoir facilement passer des obligations indexées souveraines aux obligations conventionnelles équivalentes, si le cours de l’une commence à sembler plus intéressant que l’autre, ils vendront cette dernière et achèteront la première jusqu’à atteindre un nouvel équilibre des cours. 

La différence de rendement entre les obligations indexées et les obligations conventionnelles de même échéance est ce que l’on appelle le «point mort». Le principe de base, c’est que le point mort est l’anticipation implicite du marché vis-à-vis de l’inflation pendant la durée de vie de l’obligation.

Pour faire simple, le point mort est le taux moyen auquel les prix à la consommation doivent varier pendant la durée de vie des obligations pour qu’elles offrent aux investisseurs une performance équivalente. Si l’inflation est plus élevée que prévu, les obligations indexées auront été le meilleur actif, et vice versa.

Par exemple, si le rendement d’une obligation nominale ou conventionnelle s’élève à 1,50% et que le rendement d’une obligation indexée est de 0%, le point mort d’inflation implique une inflation annuelle moyenne de 1,5% jusqu’à l’échéance des obligations.

Fig. 1 - Trouver le point mort

Taux réels, nominaux et point mort des obligations américaines à 10 ans, points de pourcentage

breakeven
Source: Bloomberg. Données couvrant la période du 01.01.2020 au 20.05.2021.

Cela étant, la réalité est généralement plus complexe que cela. Le point mort ne reflète en effet pas toujours les attentes réelles du marché en matière d’inflation. Par exemple, le rendement des obligations nominales intègrera également une assurance contre le risque d’une inflation plus forte que les prévisions. On parle de prime de risque d’inflation. Lorsque l’inflation est restée stable pendant une longue période, cette prime est généralement très faible. Néanmoins quand la volatilité des données augmente, elle représente une part plus importante du rendement.

Par ailleurs, comme il y a beaucoup moins d’obligations indexées en circulation que de titres conventionnels, leurs rendements tiennent compte d’une prime d’illiquidité. En temps normal, ce manque relatif de liquidité de marché n’est pas visible. En période de crise sur les marchés, cependant, il peut devenir significatif. 

Ces titres peuvent alors à leur tour provoquer une déformation du point mort d’inflation apparent. L’incertitude au sujet de l’inflation peut pousser le point mort bien au-delà des autres mesures des prévisions d’inflation. Une hausse de la prime de liquidité peut, quant à elle, entraîner une chute du point mort, signal d’une déflation persistante dans un proche avenir, ce qui s’est produit en mars 2020 lorsque la pandémie de Covid a déclenché une crise générale des liquidités sur les marchés. 

En d’autres termes, pour que le point mort reflète précisément les attentes vis-à-vis de l’inflation, la prime d’illiquidité et la prime de risque d’inflation doivent être exactement égales. C’est rarement le cas.

Une autre mesure des anticipations d’inflation

Puisque les points morts ne constituent pas un moyen tout à fait fiable de mesurer les prévisions d’inflation, d’autres mesures peuvent être utiles. L’une d’entre elles consiste à examiner les swaps d’inflation. 

Un swap d’inflation est essentiellement un contrat en vertu duquel une partie (le payeur) effectue des paiements d’intérêts fixes pendant une période définie. Ces paiements dépendent des attentes vis-à-vis de l’inflation lorsque l’accord est activé. De l’autre côté de la table, la contrepartie (le receveur ) effectue des paiements au payeur en fonction du taux d’inflation réel pendant la durée du contrat.

Le payeur souhaitera donc que l’inflation réelle soit plus élevée que les prévisions initiales pour la durée du contrat, tandis que le receveur l’espérera plus faible. Il est ainsi possible de mesurer le taux d’inflation attendu par le marché. Le plus populaire de ces swaps repose sur le taux à terme à 5 ans dans 5 ans (5y5y), qui mesure les attentes du marché vis-à-vis de l’inflation sur cinq ans dans cinq ans. En d’autres termes, il s’agit d’une indication des prévisions d’inflation à long terme des marchés.

Répression financière

Il est important de tenir compte de tous ces facteurs pour analyser ce qui s’est passé sur les marchés obligataires au cours de l’année écoulée. 

L’augmentation des rendements américains en 2020 a été largement provoquée par une hausse des points morts, alors que les taux réels restaient très largement dans le rouge sur l’ensemble des échéances des bons du Trésor américain, que l’on appelle également la courbe des taux. Les banquiers centraux de la Réserve fédérale étaient plutôt satisfaits de cette situation. Des rendements réels négatifs soutiennent l’économie, tandis que la hausse des points morts annonce qu’une augmentation de l’inflation est attendue, sous réserve des facteurs décrits ci-dessus. Une inflation qui accélère implique également un resserrement de l’écart entre la croissance potentielle de l’économie et le taux de croissance réel, qui était largement inférieur à son potentiel à l’époque.


Alors que la Fed s’inquiète encore de la vulnérabilité de l’économie face aux possibilités de rechute, la hausse des rendements réels est une source de préoccupation.

Cette augmentation des rendements obligataires a continué. Cela dit, depuis le début de l’année, cette évolution n’a pas pour origine principale la hausse des points morts, mais est en grande partie due aux rendements réels (voir Fig. 1). Alors que la Fed s’inquiète encore de la vulnérabilité de l’économie face aux possibilités de rechute, la hausse des rendements réels est une source de préoccupation. En effet, ces derniers renchérissent le coût des emprunts, tant pour le gouvernement, qui supporte le fardeau d’une dette colossale et en augmentation, que pour les entreprises.

La Fed cherche effectivement à transférer les ressources des prêteurs aux emprunteurs en maintenant les taux d’intérêt réels aussi négatifs que possible, un positionnement appelé répression financière. La hausse des rendements fait plutôt peser le poids de l’économie sur les épaules des emprunteurs. Pour contrer cela, la Fed devrait maintenir une politique monétaire accommodante pendant encore quelque temps.

La répression financière a été très efficace par le passé. Par exemple, en raison de l’énorme dette que le Royaume-Uni avait accumulée pendant la Seconde Guerre mondiale, le Gouvernement britannique a limité le coût du service de cette dette en maintenant les taux d’intérêt nominaux à des niveaux bas tout en favorisant la croissance et l’inflation à l’aide d’une politique monétaire souple, ce qui était un moyen efficace d’ancrer les taux d’intérêt réels en territoire négatif. L’effet s’est nettement ressenti sur les données. En 1945, le volume de dette publique britannique représentait 216% du PIB. En 1955, cette proportion avait chuté à 138%. Les investisseurs obligataires doivent y voir un avertissement et une raison supplémentaire de s’intéresser aux titres indexés.