L’obésité, l’autre enjeu sanitaire

Le monde est confronté à une expansion de l'obésité. Différentes solutions sont en cours d’élaboration: nouveaux médicaments, nouvelles technologies ou traitements holistiques.

pommes

Les virus dominent peut-être l’actualité ces trois dernières années, mais ils ne constituent pas la seule menace pour notre santé, ni même la principale. Les maladies non transmissibles se multiplient en effet et sont déjà responsables tous les ans de près des deux tiers des décès dans le monde1. L’obésité est l’une des principales causes profondes entre autres des problèmes cardiaques ou encore du diabète et, pour l’instant, il n’y a pas de remède miracle contre elle.

Les foyers à faible revenu et les pays pauvres sont touchés de manière disproportionnée par ce fléau. Des recherches récentes pointent du doigt deux grands coupables: les sodas2 et les aliments ultra-transformés3, qui incluent également souvent des édulcorants complexes, tels que le sirop de maïs à haute teneur en fructose.

La solution semble aller de soi: manger mieux. Ce n’est toutefois pas si simple à cause de problèmes comme le prix et la disponibilité des aliments sains, mais aussi parce qu’il faut éduquer la population. Et il n’est pas toujours facile de savoir ce qu’est un aliment sain. Le jus de fruits, par exemple, était autrefois considéré comme un aliment sain. Aujourd’hui, il n’est plus recommandé qu’à faible dose en raison de sa forte teneur en sucre. L’alimentation saine idéale comme prescrite par l’initiative EAT-Lancet est sans doute trop chère pour une grande partie de la population mondiale et n’est pas adaptée à chaque région ou pays.

Même un bon régime alimentaire ne permet pas nécessairement d’éviter l’obésité. Des facteurs tels que le stress et la privation de sommeil augmentent les risques. Des études suggèrent également qu’il existe une forte probabilité d’obésité de deuxième génération, indépendamment de la qualité du régime alimentaire, du niveau d’activité et de la gestion du stress. 

Heureusement, un changement de paradigme se met en place concernant la façon dont l’obésité est perçue. Elle a été longtemps considérée comme un choix de mode de vie, ce qui a conduit à une stigmatisation des personnes touchées. Aujourd’hui, on constate de plus en plus que l’obésité nécessite une approche polymorphe qui aborde à la fois des aspects médicaux et le mode de vie. Les assureurs sont aussi de plus en plus disposés à prendre en charge un traitement. L’American Medical Association, par exemple, a officiellement reconnu l’obésité comme une maladie et Medicare inclut l’obésité comme une maladie justifiant un traitement, bien qu’elle ne couvre pas encore tous les traitements possibles. À partir de l’année prochaine, l’Office of Personnel Management demandera que les prestations de santé pour les employés de la fonction publique américaine couvrent aussi les médicaments anti-obésité et assurent la prise en charge de l’obésité pour les enfants.

La course aux remèdes

La perspective d’un meilleur financement coïncide avec de nouvelles avancées en matière de traitement et de prévention.

Wegovy, un médicament pour la perte de poids développé par Novo Nordisk, a obtenu le feu vert des organes de régulation américains, tandis que Mounjaro, un traitement par injection hebdomadaire d’Eli Lilly, est en passe d’être autorisé. Des données cliniques suggèrent que les deux médicaments pourraient aider les patients à perdre jusqu’à 15 à 20% de leur poids corporel et les analystes estiment que les ventes pourraient se chiffrer en milliards de dollars4. Selon Morgan Stanley, le marché mondial du traitement de l’obésité pourrait atteindre 54 milliards de dollars d’ici 2030, contre seulement 2,4 milliards de dollars en 20225.

Au-delà de la médication traditionnelle, on constate l’émergence d’une industrie en pleine croissance pour les ingrédients alternatifs qui réduisent le besoin de sucre et/ou de matières grasses et aident à maintenir des niveaux d’insuline plus stables. Une solution à base d’enzymes de Novozymes, par exemple, promettait d’augmenter le goût sucré des produits laitiers, ce qui permettrait aux fabricants d’utiliser moins de sucre.

À un niveau plus expérimental, des scientifiques étudient l’impact des bactéries intestinales, connues sous le nom de microbiome, sur le risque d’obésité. Bien qu’il soit encore très tôt, un essai laisse à penser que l’apport de certains microbes dans l’intestin pourrait réduire les chances de prise de poids chez les souris6.

Au-delà de la médication traditionnelle, on constate l’émergence d’une industrie en pleine croissance pour les ingrédients alternatifs qui réduisent le besoin de sucre ou de matières grasses et aident à maintenir des niveaux d’insuline plus stables.

Une approche complète

Les thérapies holistiques sont également cruciales. Il existe déjà un vaste marché pour les applications et les dispositifs portables de santé. Par ailleurs, on voit apparaître chez les entreprises la tendance à proposer des solutions plurielles. Ces dernières peuvent combiner par exemple la prise de médicaments pour la perte de poids avec des cours sur Internet, ou encore la vente d’équipements d’exercice physique avec la création d’une communauté en ligne active pour promouvoir leur utilisation sur le long terme.

Alors que la société accepte de plus en plus l’obésité comme une maladie complexe, nous pourrions assister à un changement au niveau des compagnies d’assurance et des services de santé nationaux en faveur du financement de solutions plus préventives et numériques.

Enfin, les organes de régulation ont également un rôle clé à jouer. Plusieurs pays, dont le Mexique, le Royaume-Uni et l’Afrique du Sud, expérimentent déjà les taxes sur le sucre. Jusqu’à présent, une analyse suggère que la consommation a reculé dans ces pays, bien qu’elle soit généralement relativement modeste. Encourager les changements dans l’industrie alimentaire a sûrement plus d’impact: transparence accrue dans l’étiquetage des aliments ainsi que développement de plus de boissons sans sucre et à faible teneur en sucre. Ces tendances devraient se poursuivre.

Il est également possible de mieux cibler les impôts et subventions agricoles. Certains militants, par exemple, demandent à ce que la production de sirop de maïs à haute teneur en fructose soit moins intéressante.

Nous voyons avec les énergies renouvelables comment les gouvernements peuvent mettre en place des programmes ambitieux et des subventions pour résoudre des problèmes vraiment importants. L’obésité mérite aussi de recevoir une telle attention proactive. Associé à l’innovation scientifique et technologique et à une sensibilisation accrue des consommateurs, une telle approche pourrait contribuer à lutter contre une épidémie mondiale mortelle.

  1. Informations pour les investisseurs

    • L’obésité touche plus de 650 millions de personnes dans le monde, dont un enfant sur cinq et un adulte sur trois.
    • Selon McKinsey, l’obésité coûte 2 000 milliards de dollars par an à l’économie mondiale en raison des coûts médicaux et de la baisse de productivité.
    • L’industrie agroalimentaire évolue vers des produits plus sains. Des recherches menées par l’Université d’Oxford montrent que, suite à l’introduction de la loi Soft Drinks Industry Levy, la proportion de boissons au Royaume-Uni contenant plus de 5 g de sucre pour 100 mL est passée de 52% à 15%.
    • Les analystes constatent une augmentation importante du nombre de médicaments sur ordonnance pour la perte de poids, ainsi que d’applications numériques visant à lutter contre l’obésité.

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