Les marchés financiers ont de nouveau peur de l’inflation. Des mesures de relance budgétaires et monétaires sans précédent pour contenir les retombées de la pandémie de Covid ont inquiété les investisseurs au sujet d’une possible inversion à venir de la chute des pressions inflationnistes qui règnent depuis plusieurs décennies. Ils se posent la question clé de savoir comment s’y préparer.
En un sens, l’histoire a montré que les perspectives des marchés dépendent de l’évolution probable de la situation sur le front de l’inflation.
La combinaison d’une hausse des prix et d’une croissance économique faible, par exemple, favorise les matières premières et l’or. L’inflation accompagnée d’une économie en surchauffe favorise quant à elle non seulement les investissements défensifs, mais aussi les actifs réels en général, y compris le logement, les actions et les obligations à haut rendement.
Le risque d’une forte hausse de l’inflation américaine est probablement à son plus haut niveau depuis au moins 15 ans. Les confinements imposés pour freiner la pandémie ont provoqué des goulets d’étranglement dans l’offre, ce qui a entraîné une hausse des prix des matières premières et d’autres intrants de production. Les délais de livraison se sont également allongés, réduisant davantage la disponibilité des marchandises.
Les effets de base seront également significatifs. Les cours du pétrole se sont effondrés il y a un an – les prix de certains contrats pétroliers ont brièvement été négatifs en 2020 – et leur reprise ultérieure poussera les mesures annuelles de l’inflation globale au-delà de 3% au deuxième trimestre.
Ces facteurs ont alimenté les préoccupations liées à l’inflation. Les anticipations d’inflation à long terme, annoncées implicitement par le point mort d’inflation à 10 ans, ont grimpé à 2,3%, leur niveau le plus élevé depuis juillet 2014. Les prévisions d’inflation pour les ménages sur l’année à venir ont également bondi, avec une hausse de 1,2 point de pourcentage à 3,3% et leurs prévisions à 5 ans ont grimpé à 2,7%.
Les pressions inflationnistes alimentées par l’offre devraient s’atténuer avec l’ouverture de l’économie grâce à la reprise en main de la pandémie. Cela dit, parallèlement, la demande va augmenter lorsque les consommateurs commenceront à dépenser leurs chèques de relance, notamment pour des services longtemps indisponibles.
Si l’inflation augmente, la réaction attendue des investisseurs dépendra de l’état plus général de l’économie et de la situation des affaires.
Nous avons examiné les performances totales sur un an de neuf indices de classes d’actifs (matières premières, or, S&P 500, bons du Trésor américain, crédit à haut rendement américain, crédit investment grade, bons du Trésor américain protégés contre l’inflation (TIPS), marchés monétaires et immobilier) au regard de l’évolution de l’inflation et de la croissance économique aux États-Unis depuis 1950.
D’une manière générale, nous avons repéré une corrélation négative entre l’inflation et les bons du Trésor américain, les actions et le crédit investment grade, et une corrélation positive avec les six autres classes d’actifs.
En dépit de la corrélation positive des marchés monétaires avec l’inflation, leurs performances réelles pendant les périodes haussières et d’augmentation des prix sont légèrement négatives. En revanche, les TIPS, le logement, les matières premières et l’or affichent tous des performances positives pendant les périodes inflationnistes, supérieures à 10% pour les deux derniers. De plus, les matières premières, l’immobilier et l’or continuent d’afficher une corrélation positive à l’inflation, même avec un retard, c’est-à-dire que leurs rendements futurs augmentent et diminuent avec l’inflation actuelle.
Les performances des investissements suivent l’évolution de la croissance économique pour toutes les classes d’actifs, sauf les bons du Trésor, les TIPS et l’or, les bons du Trésor affichant la corrélation négative la plus importante. Les actions et les obligations à haut rendement présentent la corrélation la plus forte avec la croissance économique, bien que les marchés immobiliers et monétaires évoluent également dans la même direction.
Comme l’ont clairement montré les années 1970, la hausse de l’inflation n’est pas toujours synonyme de croissance économique. Dans ce cas, les investisseurs doivent savoir comment les actifs réagissent face à différents niveaux d’inflation et de croissance.
Nous avons classé les périodes en fonction du niveau de la croissance trimestrielle du PIB américain par rapport à sa moyenne mobile sur 7 ans et selon que l’inflation annuelle était supérieure à un taux de 2% et en hausse ou, à l’inverse, inférieure à 2% ou en baisse.
Nous avons constaté que dans des contextes favorables d’inflation faible mais de forte croissance, les actifs les plus performants ont été les plus risqués: actions et crédit à haut rendement et investment grade, avec des performances annuelles moyennes de 19% pour les premières et de 11% pour les deux derniers. L’or et les matières premières, qui constituent généralement de bonnes couvertures contre l’inflation, ont été les moins performants dans ce scénario.
En période de hausse de l’inflation et de la croissance – ce qui semble le scénario le plus probable pour les trimestres à venir – les matières premières ont affiché des performances annuelles de 14%, le S&P 500 a augmenté de 13%, la dette à haut rendement et l’or de 11% et le logement de 7%. Il s’agit en effet de la deuxième situation économique la plus favorable, tant pour les actions que pour le crédit à haut rendement, ce qui suggère que la croissance est ici un facteur plus important que l’inflation. En revanche, les TIPS, les bons du Trésor et les marchés monétaires ont tous été à la peine dans cet environnement.
Au cours des périodes d’inflation élevée et de croissance faible, l’or et les matières premières ont enregistré 19% de performances annuelles, contre 8% pour les TIPS et 7% pour les bons du Trésor. Durant ces périodes, le crédit à haut rendement, les marchés monétaires et les actions ont été les moins performants.
Enfin, lorsque l’inflation et la croissance ont toutes deux été modérées, les bons du Trésor et le crédit investment grade ont affiché des rendements de 8%, tandis que les actions ont progressé de 6%. L’or et les matières premières ont été les plus à la traîne dans ces conditions.
Il est intéressant de noter que l’ajustement de ces performances en fonction du risque ne modifie pas fortement ces résultats, même si, dans ce cas, nous ne pouvons qu’utiliser des données disponibles depuis 1998 et non pas l’historique complet remontant à 1950. La seule différence notable est que les TIPS semblent plus intéressants en période d’expansion inflationniste sur une base ajustée au risque.
Notre analyse des performances des classes d’actifs américaines suggère que l’étude de l’évolution de la situation économique donne matière à réfléchir aux investisseurs. L’inflation décollera-t-elle et s’enracinera-t-elle, ou observons-nous simplement un sursaut temporaire, après quoi les pressions sur les prix reviendront à la tendance des dernières décennies? L’économie va-t-elle rebondir et poursuivre sur cette dynamique? La Réserve fédérale américaine étalonnera-t-elle sa politique monétaire en fonction de l’économie réelle? Le dernier train de relance provoquera-t-il une surchauffe?
Cependant, quel que soit le résultat réel, l’histoire nous offre tout au moins des indications sur ce que les investisseurs peuvent attendre de la part des différentes classes d’actifs.
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