COP26: Nouveau départ ou faux départ?

Les experts mega donnent leur avis sur la COP26 de Glasgow.

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Leo Johnson, expert du développement durable et présentateur de l’émission «Hacking Capitalism» sur BBC Radio 4

«Une nouvelle dynamique se profile»

«Fonçons-nous toujours droit vers la catastrophe?», comme l’a déclaré le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Gutierrez?

Les chiffres ne sont pas optimistes: selon le Climate Action Tracker, en additionnant tous les engagements pris lors de la COP 26, nous mettons le cap sur un réchauffement de 2,4°C, voire éventuellement 2,7°C si l’on prend en compte les engagements dont la mise en place ne jouit pas du soutien de politiques.

Et à Glasgow, certaines grandes problématiques figuraient aux abonnés absents: engagement pour réduire et non sortir du charbon, impasse sur le transport aérien, manque de financement international pour l’adaptation au changement climatique.

Par conséquent, nous n’avons pas atteint l’objectif. Entreprises, gouvernements ou société civile, aucun groupe n’a été en mesure d’imposer le rythme et l’envergure nécessaires à la décarbonisation.

Comme l’a constaté un observateur venant du Moyen-Orient, cette COP aurait été exemplaire... il y a cinq ans.

Mais une chose essentielle émerge de la COP 26: les formes d’un nouvel écosystème.

Depuis la First Mover Coalition jusqu’à l’accord pour contrôler plus régulièrement les objectifs en utilisant les données scientifiques (augmentant d’un cran le mécanisme à crans) et les engagements vitaux sur le méthane et les forêts, le processus de la COP, après 26 ans, et malgré la COVID-19, prouve qu’il est capable d’être source de transformations.

Une nouvelle dynamique se profile qui voit l’économie, le gouvernement et la société civile collaborer pour créer de nouvelles institutions et de nouveaux mécanismes qui peuvent nous faire rattraper le temps perdu.

Fonçons-nous droit vers la catastrophe? Nous nous dirigeons toujours vers un tourbillon infernal du carbone, mais pour la première fois et grâce à la COP 26, nous sommes en train d’assembler à vitesse accélérée les pièces du canot qui nous permettra de passer ce mauvais pas.

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Chris Goodall, auteur et consultant sur l’énergie faible en carbone et l’économie circulaire

«L’économie entend clairement le message»

Le sommet de Glasgow sur le climat vient allonger la longue tradition de promesses faites par les pays pour réduire les émissions sans pour autant prendre des actions conséquentes pour satisfaire leurs promesses.

Prenons l’exemple des «nouveaux» engagements pour stopper la déforestation. Ils sont quasiment identiques à ceux pris lors des précédentes COP. Pendant ce temps, la destruction de zones boisées se poursuit à un rythme soutenu dans des pays comme le Brésil.

Ainsi, il y a de bonnes raisons d’être pessimistes sur les fruits que portera Glasgow.

Les dirigeants se sont déplacés, ont pris des engagements exagérés et impossibles, puis sont retournés chez eux sans modifier grandement leurs politiques nationales contre le changement climatique.

Oui, nous avons observé quelques changements inattendus dans l’attitude officielle de grands pays. Personne ne s’attendait à ce que l’Inde propose une date pour atteindre la neutralité carbone, par exemple.

Mais l’absence de calendrier détaillé pour satisfaire exactement ces promesses signifie que nous devrions considérer avec cynisme les fruits de la conférence de Glasgow.

Aucune déclaration n’a été faite sur les difficultés qui accompagnent la révolution industrielle dont l’humanité a tant besoin.

Seuls de rares leaders ont eu le courage et l’honnêteté de présenter les changements et les ajustements douloureux à faire. Le Premier ministre britannique, Boris Johnson, a même été jusqu’à nier tout coût engendré ce changement. Il a déclaré: «nous pouvons reconstruire plus écologiquement sans aucune mesure d’austérité.»

Il y a toutefois des raisons d’espérer.

La première est que l’on assiste à un support croissant et important des électeurs en faveur de politiques efficaces, à grande échelle et authentiques sur le climat.

Dans la plupart des grands pays, la préservation de l’environnement à l’échelle mondiale est devenue très rapidement une préoccupation essentielle de l’électorat.

Cela ne veut néanmoins peut-être pas dire qu’il est prêt à endosser tous les coûts de la transition vers la stabilité et les contraintes que cela imposera à notre style de vie. Néanmoins, les foules de militants du monde entier affluant dans les rues de Glasgow ont envoyé un signal clair pour dire que le climat deviendra éventuellement le thème politique numéro un.

Encore une chose importante: l’économie entend clairement le message que la survie à long terme dépend d’entreprises individuelles qui trouvent leur voie vers leur propre neutralité carbone.

Les activités au sens large de Glasgow ont donné confiance aux entreprises qui souhaitent établir des alliances avec leurs clients pour accélérer la décarbonisation.

Il est à présent un peu plus facile de déclarer qu’une conduite vertueuse va main dans la main avec une bonne santé économique.

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Hans B. (Teddy) Püttgen, professeur honoraire à l’ École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL)

«Un verre à moitié plein et à moitié vide»

La COP 26 s’est soldée sur des résultats très mitigés, insuffisants pour les uns, progrès importants pour les autres.

La conférence inaugurale a réuni de nombreux chefs d’État dont le président américain, Joe Biden, le président français, Emmanuel Macron, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.

Le Premier ministre indien, Narenda Modi, a défendu ce qu’il pense être des objectifs réalistes pour son pays, mais seulement à l’horizon 2070. Pour la chancelière allemande, Angela Merkel, il s’agissait très probablement de sa dernière apparition sur la COP après avec présidé la première conférence à Berlin il y a 26 ans de cela.

Le président russe, Vladimir Putine, a brillé par son absence, tout comme son homologue chinois, Xi Jinping, même si la Chine a signé une déclaration commune sur le changement climatique avec les États-Unis.

Quelque 105 pays ont signé le Global Methane Pledge visant à réduire de 30% d’ici 2030 les émissions de méthane, un gaz bien plus dangereux que le CO2.

Néanmoins, l’Australie, la Chine, l’Inde et la Russie ne font pas partie des signataires.

Si l’on regarde le verre à moitié plein, des progrès significatifs ont été réalisés pour parvenir à un accord mondial visant à stopper la déforestation aussi à l’horizon 2030. L’Union européenne va montrer l’exemple.

Pour la première fois, le besoin «d’accélérer les efforts vers la sortie du charbon, comme source d’énergie incontestable, et des subventions inefficaces pour les carburants fossiles...» a été mentionné explicitement.

Le remplacement de «sortie» par «baisse» peut avant la signature du document final et, apparemment, sans véritables consultations transparentes a fait beaucoup de bruit.

Cet amendement de dernière minute améliore considérablement la visibilité de la formulation sur la réduction du charbon qui sinon aurait pu se perdre à la fin d’une longue phrase à l’article 36 de la partie Atténuation (IV)1.

Le verre est quasiment vide pour ce qui est d’un mécanisme de fixation du prix du carbone. Beaucoup s’accordent pour dire que pour réduire significativement les émissions, il faut que l’utilisation de technologies fortement émettrices deviennent plus chère que celle des solutions plus sobres. Toutefois, il n’y a toujours aucun accord sur la manière de le faire tout en évitant des distorsions importantes des marchés entre les régions.

Les taxes carbone font souvent l’objet d’une levée de boucliers des populations. Les prix du carbone sur les marchés d’échanges de droits d’émissions sont trop volatiles pour fournir les conditions d’investissement prédictibles nécessaires à un engagement à long terme du secteur. Une redevance universelle et entièrement redistribuée, et pas une taxe, fera beaucoup parler d’elle au cours des prochaines COP2.