I am Article Layout

Lecture en cours: Les idées reçues des agences de notation ESG sur la gouvernance des entreprises familiales

scores de gouvernance des entreprises familiales

Mars 2021
Communication marketing

Les idées reçues des agences de notation ESG sur la gouvernance des entreprises familiales

Les agences de notation ESG et les marchés financiers se méfient des structures de gouvernance des entreprises familiales. Certains malentendus fondamentaux expliquent cependant cette situation.

01

La question de la gouvernance

Aussi attractives soient les performances générées par les entreprises familiales1, les investisseurs restent prudents. 

On dit souvent que les entreprises familiales ont des structures de gouvernance faibles – une perception renforcée par des agences de notation tierces qui se prononcent régulièrement sur de telles questions. 

De notre point de vue, une application rigide des mesures de gouvernance des agences de notation constitue une méthode beaucoup trop grossière pour juger de la manière dont les entreprises familiales sont gérées. 

Non seulement ces indicateurs ignorent de nombreux avantages que l’actionnariat familial apporte à la gestion d’une entreprise, mais ils perdent également de vue les preuves empiriques: les entreprises familiales génèrent de meilleures performances avec un risque inférieur pour le capital employé (voir Fig. 1).

FIG. 1 - Familles heureuses
Univers des entreprises familiales* vs indice MSCI All Country World (base 100 au 31.12.2006)
Performances des entreprises familiales par rapport au marché plus large
*Voir note 1. Source: MSCI, Factset, Pictet Asset Management. Données couvrant la période du 31.12.2006 au 31.12.2020.
 

Les critiques des agences de notation s’articulent autour de trois dimensions de la gouvernance d’entreprise familiale: la structure du conseil d’administration, les droits des actionnaires et la rémunération des dirigeants. Cependant, nous montrons qu’en dépit du manque d’indépendance de leurs conseils d’administration, les entreprises familiales ont tendance à obtenir des performances plus élevées tout en maintenant un endettement financier plus faible. Puisque la discipline financière est l’une des principales justifications de l’indépendance du conseil d’administration, les entreprises familiales ne devraient pas être mal notées sur ces bases. En ce qui concerne les droits des actionnaires, l’indépendance des comités de rémunération, d’audit et de nomination est bien plus importance que celle du conseil d’administration dans son ensemble. Enfin, aucun élément de la rémunération des directeurs généraux ne prouve que les familles utilisent leur position privilégiée pour se récompenser excessivement.

02

Mauvaise note

Les entreprises familiales cotées en bourse, mais dont l’actionnariat familial est significatif, obtiennent de façon constante de bons scores sur les indicateurs environnementaux et sociaux des agences de notation ESG par rapport aux entreprises non familiales, mais elles sous-performent sur la gouvernance (voir Fig. 2)2. La surperformance sur le E et le S est probablement due au fait que les familles protègent particulièrement leur marque, qui porte souvent leur nom. Elles n’hésitent donc pas à faire des efforts exceptionnels pour éviter les scandales sociaux ou environnementaux.
 
FIG. 2 - Questions de gouvernance
Scores des sous-indices de gouvernance de Sustainalytics
Scores de gouvernance
Source: Sustainalytics. Données au 31.01.2021

Néanmoins, les mauvais scores en matière de gouvernance sont attribués alors que les sociétés familiales enregistrent beaucoup moins de controverses – des incidents susceptibles de nuire aux parties prenantes, à l’environnement ou à l’exploitation des entreprises,  qui se concentrent souvent, pour beaucoup d’entre eux, sur la gouvernance – que les autres entreprises (voir fig. 3)3. En outre, le fait qu’elles aient tendance à afficher des fondamentaux et des caractéristiques de performance plus solides, comme la rentabilité du capital investi, suggère qu’elles sont normalement mieux gérées que les entreprises non familiales.

Les agences examinent généralement quatre caractéristiques clés lors de l’évaluation de la gouvernance d’entreprise: la structure du conseil d’administration, les droits des actionnaires, la rémunération des dirigeants et l’audit. Elles ont par ailleurs tendance à abaisser la note des entreprises familiales en raison des trois premières. Sur la seule question de l’audit, c’est-à-dire du contrôle des risques, pensent-elles que les entreprises familiales font aussi bien que les entreprises non familiales?

De manière générale, ces défauts de gouvernance perçus sont inhérents aux entreprises familiales en raison de la nature même de leur évolution. Après tout, les entreprises familiales ont une structure et une identité distinctes qui découlent de leurs origines intimes. En fait, nous allons montrer que ce sont souvent des forces et non pas des faiblesses. Nous examinerons en effet de plus près chacune des trois principales critiques que formulent les agences sur la gouvernance des entreprises familiales.  
FIG. 3 - Non controversé
Score global de controverse de Sustainalytics (plus faible = moins de controverses)
Family Fig. 3.png
Source: Sustainalytics. Données au 31.01.2021

Il convient cependant de commencer par noter que les classements ESG des agences de notation comportent des limites importantes. En premier lieu, les données communiquées par les sociétés manquent de cohérence.  Bien souvent, les grandes entreprises et celles des marchés développés atteignent donc des positions plus élevées dans les classements que les petites entreprises et les entreprises des marchés émergents. De nombreux éléments des notations ont tendance à être rétrospectifs et parfois très obsolètes. Les méthodes de mesure des facteurs ESG varient. De plus, les agences n’appliquent pas les mêmes pondérations aux différents facteurs ESG, même dans les cas où les données sont standardisées, ce qui conduit à des classements différents. Par conséquent, les résultats des agences de notation affichent souvent des divergences: un article qui examinait six agences de notation a ainsi révélé que la corrélation moyenne des notations n’était que de 0,544.

En effet, une marge d’erreur substantielle existe dans les scores ESG attribués aux entreprises par les agences de notation. Elle peut être suffisamment ample pour donner des résultats très trompeurs, même sans tenir compte du raisonnement imparfait qui explique leur critique de la gouvernance des entreprises familiales. 

03

Structurer les conseils d’administration

 

FIG. 4 - La sécurité d’abord
Ratio de l’endettement net sur le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements des sociétés familiales par rapport à l’indice MSCI All Country World
Ratio de l’endettement net sur le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements des sociétés familiales par rapport à l’indice MSCI All Country World
Source: MSCI, Factset, Pictet Asset Management. Données au 31.12.2020.
 

Les agences de notation considèrent toutes que l’indépendance du conseil d’administration est la pierre angulaire de la structure de gouvernance d’entreprise idéale. Un conseil d’administration et des sous-comités (pour les rémunérations et l’audit, notamment) en majorité indépendants sont considérés comme essentiels pour protéger les intérêts des actionnaires minoritaires. En particulier, pour protéger le capital des actionnaires minoritaires.

Les entreprises familiales sont généralement moins endettées que leurs concurrents, comme en témoigne le ratio dette nette/bénéfice ajusté 6. Ce n’est pas négligeable, car la solidité du bilan est une mesure importante de la protection du capital.

Dès lors, l’indépendance du conseil d’administration devrait constituer un bon indicateur de la performance relative de l’entreprise. Mais ce n’est pas le cas. Des données probantes montrent que, bien que les conseils d’administration des entreprises familiales soient généralement moins indépendants, celles-ci affichent pourtant de meilleures performances et appliquent des normes de discipline financière plus élevées que les sociétés non familiales (voir fig. 4 et 5).

FIG. 5 - Rendements heureux
Rendement des actifs des entreprises familiales par rapport à l’indice MSCI All Country World
Rendement des actifs des entreprises familiales par rapport à l’indice MSCI All Country World
Source: MSCI, Factset, Pictet Asset Management. Données au 31.12.2020.

Des recherches menées par HSBC montrent qu’au niveau régional, il n’existe aucune corrélation entre l’indépendance des conseils d’administration et la performance des entreprises. Les différences s’expliquent probablement par les variations entre les pays dans la façon d’appliquer les droits des actionnaires7. Il y en a cependant une au niveau sectoriel. Nous l’avons analysée en nous concentrant sur le secteur des biens de luxe, étant donné que beaucoup de familles affichent des participations dominantes dans ces sociétés8. Nous avons constaté qu’au sein de ce secteur, il existe une corrélation inverse entre les scores d’indépendance/de gouvernance du conseil d’administration et la rentabilité pour les actionnaires (voir Fig. 6).

Nos conclusions suggèrent que si la présence d’un actionnaire important peut réduire l’indépendance du conseil d’administration, elle apportera également d’autres avantages aux actionnaires minoritaires, comme une approche plus conservatrice de la prise de décision, une plus grande prudence et un conseil d’administration dont l’objectif est la réussite à long terme de la société plutôt que des objectifs trimestriels. Des recherches sur les entreprises familiales asiatiques ont révélé que le niveau d’indépendance optimal des conseils d’administration pour maximiser la rentabilité des actionnaires était de 38%. Il faut aussi séparer les postes de président et de directeur général et instaurer des comités d’audit et de rémunération séparés9.

Ainsi, au lieu de s’attacher à l’indépendance des conseils d’administration, les investisseurs feraient mieux de se concentrer sur la composition des sous-comités de gouvernance d’entreprise, dont le rôle principal est de protéger les intérêts des actionnaires minoritaires, à savoir les comités d’audit, de rémunération et de nomination. Ceci explique pourquoi, chez Pictet Asset Management, nous estimons qu’il est suffisant pour les entreprises familiales d’afficher au moins 30% d’indépendance au sein de leur conseil d’administration plutôt que les 50% minimum réclamés par les agences de notation ESG, tant que les sous-comités du conseil d’administration sont indépendants.
 
FIG. 6 - Luxes familiaux
Le taux de croissance annuel composé (TCAC) de la rentabilité totale des actionnaires vs les scores d’indépendance du conseil d’ISS dans le segment des biens de luxe
Le taux de croissance annuel composé (TCAC) de la rentabilité totale des actionnaires vs les scores d’indépendance du conseil d’ISS dans le segment des biens de luxe
Source: ISS, Refinitiv, Exane, Pictet Asset Management. Données couvrant la période du 01.01.2011 au 12.11.2020.
04

Prendre le contrôle

Les agences de notation ont également des difficultés à évaluer les structures mises en place par les familles pour garder le contrôle des entreprises familiales, même lorsqu’elles ne sont pas actionnaires majoritaires. Elles peuvent avoir recours à des véhicules juridiques spéciaux, tels que des sociétés par actions, KGaA en Allemagne, des fondations et autres, des structures pyramidales ou des actions de deux classes. 

S’il est vrai que ces structures comportent des risques évidents –c’est-à-dire que les actionnaires de contrôle peuvent en tirer des bénéfices privés – elles apportent également des avantages qui sont trop fréquemment oubliés, comme la stabilité. C’est pourtant cette stabilité qui permet aux entreprises familiales de poursuivre leurs investissements à très long terme et de rester concentrées sur leur stratégie.


De plus en plus de voix reconnaissent que les entreprises sont mieux gérées sous l’égide d’investisseurs à long terme

De plus en plus de voix reconnaissent que les entreprises sont mieux gérées sous l’égide d’investisseurs à long terme. Ces dernières années, des personnalités de poids en matière de gouvernance d’entreprise, comme l’ancien Vice-président américain et pionnier de l’investissement ESG Al Gore, Dominic Barton, le directeur général de McKinsey Dominic Barton10 et John Bogle, le fondateur du groupe Vanguard, ont toutes préconisé de renforcer les droits de vote des actionnaires à long terme ou, à l’inverse, de les retenir pour les investisseurs à court terme11. En outre, plusieurs pays européens ont lancé des réglementations qui donnent aux actionnaires «fidèles» une influence supplémentaire lors des votes12.
Dans la Silicon Valley de nombreux exemples montrent comment une telle approche peut profiter aux actionnaires, bien qu’ils concernent souvent des entreprises extérieures aux marchés publics. Pour les fondateurs de sociétés technologiques, il existe souvent une tension importante entre le besoin de capital frais et la nécessité de garder le contrôle pour poursuivre des projets aux retombées potentielles à très long terme. Les investisseurs institutionnels sont souvent prêts à accepter des normes de gouvernance plus souples en échange de récompenses à long terme. En effet, cet accès facile aux marchés privés a réduit de moitié le nombre de sociétés cotées en bourse aux États-Unis depuis le milieu des années 1990. Et même lorsque ces sociétés technologiques s’ouvrent aux marchés, les investisseurs institutionnels sont souvent prêts à accepter un contrôle réduit. Par exemple, lors de son introduction en bourse, Snap, une société de médias sociaux, a uniquement proposé aux investisseurs extérieurs une classe d’actions sans droit de vote, réservant ainsi les actions avec droit de vote aux cofondateurs, aux employés et aux investisseurs des premières heures. 
FIG. 7 - Performance inégale
Prime ou décote des sociétés avec droits de vote inégaux pour les principaux critères de performance par rapport aux sociétés de l’indice MSCI All Country World
Prime ou décote des sociétés avec droits de vote inégaux pour les principaux critères de performance par rapport aux sociétés de l’indice MSCI All Country World
Source: CFA Institute «Dual-Class Shares: The good, the bad and the ugly» (Actions de deux classes: le bon, la brute et le truand), CFA Institute, août 2018, Pictet Asset Management. 

Les recherches sur les actions de deux classes ou les droits de vote inégaux présentent des visions contradictoires13. Selon une école de pensée, ces structures d’actions ont un impact négatif sur la création de valeur des entreprises, car elles protègent les intérêts des actionnaires qui bénéficient de droits de vote et leur permet de tirer des avantages démesurés14. Le point de vue inverse veut que les structures à deux classes encouragent les entrepreneurs créateurs de valeur et l’investissement dans le capital humain. Ainsi le contrôle des prises de décisions permet des investissements dans des projets qui montrent une valeur à long terme potentiellement coûteuse ou difficile à communiquer15 , notamment parce que les dirigeants peuvent ainsi passer outre les objectifs à court terme comme les bénéfices trimestriels16.

Un document de discussion produit par le CFA Institute en 2018 a révélé que les sociétés qui présentent des actions de deux classes (DCS) ont surperformé les sociétés de l’indice MSCI ACWI sur presque tous les indicateurs financiers étudiés (voir fig. 7). Elles ont enregistré une croissance des bénéfices plus forte, des marges bénéficiaires plus élevées et une rentabilité des capitaux propres plus solide pour les investisseurs. Elles sont uniquement restées en retrait dans leur répartition des bénéfices aux actionnaires17.

Bien qu’une partie de cette surperformance soit attribuable à des facteurs systémiques, comme le pays d’installation, le secteur et les effets des changes, on note tout de même des effets spécifiques à ces entreprises, c’est-à-dire liés à la structure des actions de deux classes. Ces sociétés représentent 4% de la performance positive en Amérique du Nord et l’intégralité des effets positifs dans les économies émergentes.

05

Rémunération des dirigeants

La troisième critique des agences de notation en matière de gouvernance porte sur le risque que les initiés des entreprises profitent des actionnaires sans droit de vote pour leur propre bénéfice financier. La théorie des agences, ou le problème principal-agent, affirme que les agents utilisent leurs pouvoirs pour poursuivre leurs propres intérêts au détriment du principal. En d’autres termes, la crainte est que les agents qui occupent des fonctions de direction aient tendance à se rémunérer de manière disproportionnée.

Les grandes sociétés cotées en bourse minimisent ce risque en associant pour leurs dirigeants une rémunération fixe attractive en fonction de la trésorerie et une composante en actions, en options, ou les deux, selon les performances. Les stock options sont destinées à faire coïncider les intérêts de la direction et ceux des autres actionnaires. Ce cadre est devenu la référence pour les pratiques de rémunération des dirigeants et constitue donc une exigence pour une notation ESG solide18.

Ce que les agences de notation ne parviennent pas à reconnaître, cependant, c’est que ces systèmes de rémunération ne constituent la plupart du temps qu’un simple effort pour reproduire le type d’alignement actionnaire/dirigeant qui existe déjà au sein des entreprises familiales. Une grande majorité des entreprises familiales choisissent leur directeur général au sein de la famille. Il s’agit donc de quelqu’un qui détient déjà une participation significative dans l’entreprise. Par ailleurs, une récente enquête menée par Chief Executive Research auprès de 1 631 entreprises a montré que la rémunération de ces dirigeants était égale à celle qui est pratiquée dans les sociétés non familiales (voir fig. 8)19.

FIG. 8 - Des rémunérations moyennes
Rémunération des dirigeants par type d’entreprise (2018, en milliers d’USD)
Rémunération des dirigeants par type d’entreprise
*Comprend les avantages, les bénéfices, les plus-values, les nouvelles actions et les bonus. Source: Chief Executive Research, rapport 2018 sur la rémunération des directeurs généraux, Pictet Asset Management. 
 

Une autre critique des agences de notation est liée au fait que les entreprises familiales sont moins transparentes sur la rémunération des dirigeants que les autres. Mais là aussi, il y a souvent de bonnes raisons à cette différence. 

Les dirigeants d’entreprises familiales ont tendance à avoir des participations importantes dans leurs entreprises. Leurs salaires constituent donc une part relativement faible de leur patrimoine. Il est dès lors naturel pour les entreprises familiales de mettre davantage l’accent sur la valeur pour l’actionnaire en tant que source de performance plutôt que sur les indicateurs de performance salariale. 

Parallèlement, les structures de rémunération privilégiées par les agences de notation ont également des défauts. Un dispositif clé pour faire coïncider les intérêts des dirigeants et ceux des actionnaires consiste à accorder aux cadres des stock options. Cependant, pour être plus incitatives, les options ne présentent aucun risque de baisse. Les dirigeants peuvent ne rien gagner si le cours de l’action tombe en dessous du prix d’exercice des options, mais ils ne risquent pas non plus de perdre leur patrimoine existant si leurs efforts ne portent pas leurs fruits, contrairement aux actionnaires à long terme. 

La nature de ces options – pas de risque de baisse, mais d’énormes gains potentiels – peut orienter les préférences des dirigeants et les pousser à prendre des risques significatifs afin que leur entreprise affiche des performances démesurées, généralement à court terme. Les entreprises familiales ont tendance à ne pas apprécier ce type de risque biaisé. Elles préfèrent les stratégies de préservation du patrimoine et ont donc tendance à ne pas utiliser de structures incitatives qui encouragent la direction à prendre des risques indus. Elles sont tout aussi réticentes face aux effets dilutifs de l’utilisation de stock options pour donner à la direction une participation significative dans la société. Pour les entreprises familiales qui recrutent des dirigeants en dehors de la famille, la structure de leur rémunération tend à inclure des objectifs à long terme transparents, qui coïncident avec ceux de la famille.

Pour tous les types de sociétés, les investisseurs doivent se concentrer sur l’indépendance du comité de rémunération et donc sur la protection des intérêts des actionnaires minoritaires. 

06

Une approche subtile

Compte tenu des défauts systématiques dans la manière dont les agences de notation évaluent la gouvernance d’entreprise, baser les décisions d’investissement uniquement sur de tels indicateurs serait une erreur. 

Chez Pictet Asset Management, nous avons créé notre propre score de gouvernance familiale personnalisé pour nous aider à interpréter les structures de gouvernance des entreprises familiales (voir fig. 9). Ce score s’appuie sur les principaux facteurs identifiés par la recherche universitaire qui ont une influence sur les performances des entreprises familiales: actionnariat, vision à long terme, controverses et comités.

Les entreprises familiales constituent un excellent investissement, qui est trop souvent négligé.

La clé de notre analyse consiste à déterminer la stabilité et la préparation d’une entreprise familiale pour l’avenir. Pour ce faire, nous cherchons à savoir si le fondateur a le pouvoir ou si la direction est entre les mains d’une génération plus jeune. Nous évaluons ensuite la structure de la planification successorale de l’entreprise – pour déterminer si la continuité est clairement communiquée dans la constitution de la société familiale et reflétée dans ses droits de vote.

Au lieu de nous concentrer sur le principe «une voix = un vote» sur lequel s’appuient les fournisseurs de données ESG, nous étudions plus en détail le contrôle exercé par les actionnaires pour déterminer s’il s’agit de structures exagérées ou sujettes à des abus, que ce soit au travers de leviers financiers, d’approches pyramidales ou d’une divergence extrême entre les droits de vote et les droits économiques.

Nous examinons si la gestion de la société repose sur une vision à long terme. Pour cela, nous vérifions combien d’actions détient le directeur général et si la rémunération du conseil d’administration est structurée autour des versements en fonction d’objectifs de performance à long terme. Et nous évaluons la culture d’entreprise de la société ainsi que son historique de discipline financière.

Les agences de notation n’apprécient peut-être pas le manque d’indépendance des conseils d’administration dans les entreprises familiales, mais nous y voyons un avantage potentiel. Un leadership familial fort grâce à un actionnariat stable et significatif tend à favoriser la réflexion à long terme, qui favorise la préservation du capital et se tient à l’écart des paris trop audacieux. Pour protéger nos intérêts en tant qu’actionnaires minoritaires, nous examinons plutôt l’indépendance des comités d’audit, de rémunération et de nomination des sociétés.

Enfin, nous cherchons à savoir si l’entreprise est sujette à des controverses, notamment en matière de transactions avec des tiers ou de rémunération injustifiée. Bien que cet indicateur soit rétrospectif, il donne également une indication sur la qualité de la gouvernance d’entreprise et nous aide à éviter les sociétés où des actionnaires dominants placent les intérêts familiaux avant ceux de l’entreprise.

FIG. 9 - Le modèle familial de Pictet
Modèle de gouvernance familial de Pictet
Source: Pictet Asset Management.
Les entreprises familiales sont tellement performantes par rapport aux autres qu’on peut vraiment se demander pourquoi elles obtiennent de mauvaises notes sans les classements de gouvernance des agences de notation. Est-il raisonnable de croire que les entreprises familiales sont moins bien gérées que leurs homologues non familiales, alors qu’elles génèrent de façon constante de meilleures performances pour les actionnaires avec un risque moindre pour le capital des investisseurs? Nous pensons que non. Pour nous ces sociétés constituent donc un excellent investissement, trop souvent négligé, en particulier lorsque leurs structures de gouvernance font l’objet d’analyses plus approfondies et plus précises. 

Remerciements

Vineet Chhibber, Cyril Benier et Adam Johnson ont contribué à cet article.